La photographie artisanale : un héritage populaire à préserver !

La photographie artisanale : un héritage populaire à préserver !

Mardi, Mai 6, 2025

Un service au cœur du peuple.

Dès ses débuts, la photographie s’est développée comme un service destiné aux élites, avant de devenir une pratique largement populaire.

Si, au XIXe siècle, seuls les bourgeois pouvaient se faire immortaliser à domicile, l’essor des boutiques de photographie entre 1840 et 1900 a marqué une véritable démocratisation.

Les familles peuvent enfin immortaliser leurs moments de vie, qu’il s’agisse de baptêmes, communions, mariages, ou simples portraits du quotidien.

Nadar

Portrait de famille NADAR

Parmi les figures marquantes de cette transition, Nadar, célèbre portraitiste français, joue un rôle essentiel. Dès 1854, il ouvre son propre studio à Paris et devient rapidement le photographe incontournable des grandes figures artistiques et intellectuelles.

·         Le studio de Nadar, situé au 35 Boulevard des Capucines à Paris, était effectivement un lieu emblématique de la photographie au XIXe siècle. Il était majoritairement fréquenté par les célébrités, mais il ne se limitait pas uniquement aux figures artistiques et intellectuelles de l’époque. Nadar était animé par une vraie passion pour l’humain et le portrait, et il a contribué à rendre la photographie plus accessible.

Studio Nadar Paris

Concernant son rôle dans le syndicalisme photographique*, on peut le considérer comme un précurseur. Il était un fervent défenseur de la liberté d’expression et du statut des photographes, notamment à travers ses écrits et ses engagements. Il n’a pas fondé un syndicat en tant que tel, mais il a été l’un des premiers à défendre la photographie comme un métier à part entière, méritant reconnaissance et protection. Son influence a inspiré de nombreux photographes à revendiquer leurs droits et leur place dans le monde artistique et professionnel.

Mais au-delà de son talent, Nadar contribue à changer le statut de la photographie : il la sort du cercle fermé des élites pour l’inscrire dans la mémoire collective, en offrant à chacun la possibilité de se faire tirer le portrait.

Disdéri, André Adolphe Eugène

cartes de visite photographiques, Adolphe Disdéri

Grâce à des innovations comme les cartes de visite photographiques, introduites par Adolphe Disdéri, la photographie devient plus accessible et se répand dans les quartiers populaires.

cartes de visite photographiques, Adolphe Disdéri

·         Les cartes photographiques l'équivalent de nos séance photos aujourd'hui !

 LA carte photographique permettait de produire plusieurs petits portraits sur une même plaque, ce qui réduisait les coûts et rendait la photographie accessible à un plus grand nombre.

cartes de visite photographiques, Adolphe Disdéri

Ces cartes sont rapidement devenues populaires, notamment auprès de la bourgeoisie, qui les utilisait comme objet de prestige et de représentation sociale. Mais leur faible coût a aussi facilité leur adoption par les classes populaires, qui pouvaient enfin se constituer des souvenirs photographiques à moindre prix.

cartes de visite photographiques, Adolphe Disdéri

Dès ses débuts, la photographie s’est développée comme un service destiné aux élites, avant de devenir une pratique largement populaire.

Si, au XIXe siècle, seuls les bourgeois pouvaient se faire immortaliser, l’essor des boutiques de photographie entre 1840 et 1900 a marqué une véritable démocratisation.

Studio photo en 1900

Ces studios, installés aussi bien à Paris qu’en province, permettaient aux familles de conserver un souvenir tangible de leur histoire.

Portrait de bébé 1880

Loin du luxe, un outil au service du peuple.

Mariage 1889

Contrairement aux artistes qui explorent la photographie sous l’angle esthétique ou conceptuel, les photographes de quartier étaient avant tout des prestataires de service. Leur rôle était de rendre l’image accessible à chacun, et non de la sacraliser comme un privilège réservé aux élites.

1914-1918.  

J.berhra 1917

Un épisode marquant de cette évolution survient lors de la guerre de 1914-1918. Les soldats, conscients de l’incertitude de leur sort, ont souhaité envoyer des portraits à leurs familles, souvent pour rassurer leurs proches sur leur survie.

Ces photographies étaient bien plus qu’un simple souvenir. Elles témoignaient de la présence encore bien vivante du soldat et servaient de lien entre ceux qui étaient au front et leurs foyers.

Portrait enfant 1914

De la même manière, les épouses et mères se rendaient dans les studios, parfois pour la première fois de leur vie, afin de laisser une trace de leur visage, dans l’angoisse que ce portrait puisse être le dernier que verrait leur mari ou leur fils.

portrait de femme 1918
Portrait de militaire 1915
Portrait famille 1915

L'évolution des boutiques et leur rôle familial .

Studio Touin-Guiné 1900

Avec les années, la photographie a continué à évoluer, portée par des artisans toujours présents dans les quartiers.

photo de famille 1925

Dés les années 1930, la photographie domestique amateur s’impose, permettant aux familles de s’approprier encore plus leur image, sans dépendre systématiquement d’un studio professionnel.

Mais les boutiques n’ont pas disparu pour autant. Elles sont restées des lieux incontournables pour les portraits de mariage, les photos scolaires et les grands événements familiaux et le développement des images.

communion 1930
Photo de classe 1940
Photo de classe Toute et Pettin 1940

Préserver l’accessibilité à l’ère du numérique.

Aujourd’hui, dans un monde numérique où l’image est omniprésente, il est essentiel de se rappeler cette dimension artisanale de la photographie.

Il ne faut pas que la photographie redevienne un luxe. Elle doit rester un service accessible, un moyen pour chacun de garder une trace de son histoire.

Le rôle du photographe de quartier n’est pas obsolète. Il est la continuité de cette tradition qui place l’humain au centre de l’image.

Photo de famille Eleonore vivas

Derrière chaque cliché, il y a un artisan, un savoir-faire, et surtout une mission : faire en sorte que chaque personne, quel que soit son milieu social, puisse avoir son portrait, ses souvenirs, son héritage visuel.

L’engagement du photographe artisan : entre tradition et avenir.

La photographie artisanale n’est pas seulement un témoignage du passé, c’est une mission vivante, un engagement profond envers ceux qui veulent immortaliser leur histoire, quelle que soit leur origine ou leur situation sociale.

Le photographe de quartier n’est pas un artiste élitiste. Il est un prestataire de mémoire, de service, un artisan dont le travail permet à chaque individu de garder une trace tangible de son existence.

Réaffirmer la photographie populaire

Photo de famille Eleonore Vivas

Aujourd’hui, dans un monde où la photographie tend à devenir un luxe, il est primordial de réaffirmer sa vocation populaire.

Il ne s’agit pas de céder à une logique commerciale qui éloigne les artisans de leur mission première, mais plutôt de trouver un équilibre : concilier accessibilité et viabilité économique.

Former, guider et accompagner les professionnels.

C’est dans cet esprit que j’accompagne les professionnels de l’image, non seulement pour préserver cette philosophie humaniste, mais aussi pour leur permettre de vivre pleinement de leur métier.

Être photographe artisan ne doit pas être synonyme de précarité. Au contraire, il est possible de gagner sa vie tout en restant fidèle à cette tradition de service.

Former, transmettre, guider : telle est la nouvelle mission qui vient prolonger mon engagement dans la photographie.

Il est essentiel de donner aux artisans les outils et stratégies pour qu’ils puissent continuer à proposer des portraits accessibles, tout en construisant une activité prospère et pérenne.

formation Eleonore Vivas

La photographie artisanale est un patrimoine vivant, une tradition qui doit évoluer sans perdre son essence.

Pour moi, elle doit rester un moyen pour chacun de raconter son histoire, et non un luxe inatteignable. C’est en honorant cette mission et en accompagnant ceux qui la portent que nous assurerons son avenir.

A bientôt.

Eleonore Vivas

* La C.S.P.P. (Chambre Syndicale des Photographes Portraitistes) était une organisation professionnelle régionale parisienne, fondée en 1862 par Nadar. À son apogée, elle rassemblait plus de 1000 adhérents, tous engagés dans la défense des droits des photographes portraitistes.

En 2011, à l'initiative du GNPP (Groupement National de la Photographie Professionnelle) il réuni tous les syndicats régionaux, dont la C.S.P.P.. Cependant, au fil des années, le GNPP a progressivement perdu sa vocation syndicale, se détournant de son engagement initial pour s’orienter vers les concours et des partenariats commerciaux, au détriment de son rôle de défense des photographes.

Aujourd’hui, la FFPMI (Fédération Française de la Photographie et des Métiers de l’Image) a pris le relais et rassemble plus de 1000 adhérents à travers la France. Malheureusement, à mes yeux, elle met en avant une photographie axée sur l’univers du luxe, bien éloignée de l’essence artisanale et populaire qui me tient à cœur.

Il me semble essentiel de respecter les anciens et ceux qui ont contribué à bâtir cette profession, car sans histoire, sans mémoire, on ne va pas très loin, "même ensemble". Mais ceci est une autre histoire, et fera l'objet d'un article ! 

Sources et documentations.

  1. Les photographies de famille commentées : une source sur l’habillement dans les classes populaires : Christine Bard
  2. La photographie au service de la lutte contre la pauvreté : National Géographique
  3. L'introduction de la photographie dans la vie quotidienne: Sylvain Maresc
  4. La naissance de la photographie sociale: Anne LESME
  5. Institut Nationale de la photographie
  6. Eric MONSINJON : Journaliste
  7. Photographies : 1/2/3 : NADAR 4/5/6/7 DISDERI 9/19 Institut Nationale de la Photographie. 20/ 21 Eleonore Vivas


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